Trois décisions mettant en cause des centres de services scolaires ont été rendues récemment par le Tribunal administratif du travail en matière de lésions psychologiques. Celles-ci mettent en lumière l’importance pour les milieux de travail d’identifier et de prendre en charge les risques psychosociaux, considérant que les réclamations pour lésions psychologiques en milieu de travail sont en hausse et qu’elles soulèvent des enjeux de gestion complexes pour les employeurs.
Néanmoins, ces décisions rappellent également les critères objectifs établis par la jurisprudence permettant de conclure à une lésion professionnelle de nature psychologique.
Dans les trois décisions présentées ci-dessous, il a été déclaré que le travailleur ou la travailleuse n’avait pas subi de lésion professionnelle.
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Certains passages pertinents sont également reproduits ici.
Bonne lecture!
Perron et Centre de services scolaire des Hauts-Cantons, 2025 QCTAT 384
« Le Tribunal retient ensuite, et surtout que c’est cette appréhension qui, le 2 septembre 2022, mène à un diagnostic de trouble d’adaptation et à la prescription d’un arrêt de travail. En d’autres mots, lorsque la travailleuse débute l’affectation le 6 septembre 2022, elle est symptomatique du simple fait de savoir qu’elle est affectée à d’autres tâches. En somme, sur la simple base d’une perception, d’une crainte, d’un doute. De ce qui précède, il apparaît dès lors d’emblée difficile de prétendre que ce sont, en toute probabilité, les conditions de l’affectation lors des journées des 6, 7, 8, 13 et 14 septembre qui sont à l’origine du trouble d’adaptation puisqu’elles ne se sont tout simplement pas encore matérialisées. Dit autrement, dans le contexte, il est difficile de soutenir l’existence d’une situation objectivement traumatisante. Mais évidemment, il y a plus. »
« Ainsi, le Tribunal estime que l’assertion voulant que la travailleuse soit laissée à elle-même à compter du 6 septembre 2022, n’est pas soutenue par la preuve. Il est plutôt démontré de façon probante que l’employeur a mis des mesures en place en amont en prévision de l’affectation. »
« Pour se convaincre qu’il est ici principalement, sinon exclusivement question de sentis, de perceptions, de déceptions et de heurts de valeurs, et non de situations objectivement traumatisantes liées à l’affectation, il suffit de s’en remettre au témoignage de la travailleuse qui en est truffé d’exemples. Ainsi, outre ce que mentionné plus haut quant aux véritables conditions de l’affectation, il est question d’être déçue du fait que nul n’ait songé à lui procurer un chariot compte tenu de sa grossesse, d’être traumatisée par l’affectation, d’être épouvantée par un système d’éducation défaillant et un enseignement de piètre qualité dont les étudiants sont les victimes, d’être découragée de la profession et de ruminer constamment à ce sujet. De surcroît, la travailleuse fait état d’une complète remise en question sur le plan professionnel et d’une affectation diabolique. »
« Le Tribunal estime que pareilles considérations personnelles, encore ici, en toute probabilité, hors de proportion dans les circonstances de l’affaire, relèvent de la subjectivité, et ne peuvent servir d’assises à la reconnaissance d’une lésion professionnelle. Le désordre, le chambardement ou le grand dérangement allégué ne résiste pas à l’analyse. »
Vaillant et Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys, 2025 QCTAT 440
« Le Tribunal estime qu’il s’est produit un événement inhabituel et singulier le 5 mai 2022 pouvant s’assimiler à un événement imprévu et soudain. Il reste maintenant à déterminer si l’état psychologique de la travailleuse au printemps 2022 découle de cet événement. »
« Dans l’appréciation du rapport entre une pathologie et le travail, l’analyse du Tribunal doit reposer, notamment, sur les critères suivants : la nature de l’événement imprévu et soudain, la nature de la lésion, la relation temporelle entre l’apparition de la pathologie et les circonstances alléguées, l’évolution de la pathologie et la présence, le cas échéant, d’une condition préexistante. »
« Dans le présent dossier, plusieurs facteurs sont discutés et identifiés comme éléments stresseurs, que ce soit dans la vie personnelle ou professionnelle de la travailleuse, et la preuve ne permet pas de conclure que la lésion psychologique découle de l’événement survenu au travail le 5 mai 2022. Cet événement n’est pas la cause prépondérante de l’état de stress aigu diagnostiqué le 25 mai 2022 et de l’état de stress post-traumatique ajouté par la suite. Ce sont plutôt des relations conflictuelles et des difficultés dans sa vie personnelle qui sont à l’origine de son état psychique. »
« En somme, la preuve révèle que la travailleuse souffre de difficultés psychologiques depuis plusieurs années. Certes, l’existence d’une condition préexistante ne constitue pas une fin de non-recevoir si les éléments requis pour la reconnaissance d’une lésion professionnelle sont démontrés. Or, ce n’est pas le cas dans le présent dossier. Comme mentionné, la preuve démontre que c’est l’ensemble des difficultés personnelles, davantage que l’événement du 5 mai 2022, qui est venu perturber l’équilibre psychologique de la travailleuse à compter du mois de mai 2022. »
Centre de services scolaire des Découvreurs et Dallaire, 2025 QCTAT 2035
« Enfin, le Tribunal rappelle que les conflits de personnalités en milieu de travail ainsi que les événements qui surviennent en contexte disciplinaire ne sont généralement pas assimilés à des événements imprévus et soudains puisque de telles situations ne débordent pas de ce qui est normal et habituel en milieu de travail. »
« Or, dans le présent dossier, le Tribunal est d’avis que c’est précisément ce dont il s’agit. »
« À la lumière de la preuve soumise et des enseignements de la jurisprudence, le Tribunal conclut que le travailleur n’a pas démontré avoir fait l’objet de « fausses allégations de nature sexuelle » pouvant être assimilées à un événement imprévu et soudain « objectivement traumatisant ». Il a plutôt fait l’objet d’une enquête à la suite de dénonciations d’élèves pour des paroles qu’il a prononcées et des gestes qu’il a posés, qui ont certes été mal interprétés par ces derniers, mais qui se sont révélés néanmoins « inappropriés » dans le contexte de son milieu de travail, ce qui lui a valu l’imposition d’une mesure disciplinaire. À cet égard, la preuve démontre que l’employeur était dans l’exercice de son droit de gérance et qu’il l’a exercé de manière raisonnable et non abusive. »
« Le Tribunal conclut donc que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle le 17 février 2022.»